Culture

Rencontre avec Xavier Leloup

Le meilleur du roman historique est aussi de Tours !

Publié le

À l’heure du 600ème anniversaire de la naissance de Louis XI, le renouveau du roman historique doit beaucoup à un Tourangeau, Xavier Leloup, écrivain et éditeur aujourd’hui expatrié aux États-Unis, vivant près de Denver (Colorado). Nous lui devons, en effet, une saga littéraire exaltante (et très cinématographique), Les Trois Pouvoirs, dont l’une des promesses est de percer, de façon inédite, les mystères entourant la mondialement connue Jeanne d’Arc

L’envoyée de Dieu, puisque c’est d’elle dont il s’agit, est le titre du quatrième tome à paraître le 1er juin. Son intrigue nous entraîne (enfin) à Tours et en Touraine au XVe siècle, siècle de Louis XI, le plus tourangeau des rois de France.

L’auteur, de retour en France pour la promotion de son livre, sera en dédicace à La Boîte à Livres le 10 juin prochain à partir de 15h.

Rencontre avec un conteur hors pair, éternel amoureux de sa Touraine natale.

Tours Magazine : Pouvez-vous nous résumer les épisodes précédents de votre passionnante saga ?

Xavier Leloup : Quand le livre commence, nous nous trouvons à la fin de l’hiver 1429. Assiégée depuis des mois par les Anglais, la ville d’Orléans résiste encore et toujours. 22 ans, déjà, que le duc d’Orléans, frère du roi Charles VI, a été assassiné en plein Paris, rue Vieille-du-Temple. 14 ans que l’armée de Charles VI a été défaite par les troupes du roi anglais Henri V à Azincourt. 10 ans, enfin, que Jean Sans Peur, le duc de Bourgogne, a été assassiné à son tour sur le pont de Montereau.

Meurtres, guerres, massacres, adultères, folie : la France de ce début de XVème siècle ressemble moins à un royaume chrétien qu’à un véritable champ de ruines.
La France ? On devrait plutôt dire les France. Il y a d’abord la France franco-anglaise dont le duc de Bedford assure la régence depuis Paris au nom du jeune roi anglais Henri VI. Il y a ensuite la France bourguignonne qui s’étend jusqu’aux Pays-Bas actuels et sur laquelle règne le duc Philippe le Bon.

Il y a enfin la France armagnaque dont le roi n’est autre que Charles VII, dernier descendant de la dynastie des Valois, et dont le royaume occupe tout l’espace situé au sud de la Loire. Sa capitale ? Bourges, ville que huit ans plus tôt, le Dauphin Charles a choisi pour se proclamer roi.

Entre ces trois puissances, une femme : Yolande d’Aragon, la puissante duchesse d’Anjou. Belle-mère du roi de France, elle soutient Charles VII de toutes ses forces en même temps qu’elle cherche à dénouer l’alliance anglo-bourguignonne qui le menace de plus en plus dangereusement. Car la situation, sans doute, n’a jamais été aussi critique : si Orléans tombe, ce sont toutes les possessions situées au sud de son royaume qui se trouveraient aussitôt menacées d’invasion.

C’est alors que se répand une étonnante rumeur : une jeune paysanne venue des marches du royaume aurait été envoyée par Dieu pour lever le siège d’Orléans et faire sacrer le Dauphin Charles, « qui doit être vrai et est vrai roi de France ». Mais pour cela, encore faut-il que celle qui se fait déjà appeler « la Pucelle » parvienne à se frayer un chemin jusqu’à lui…

Plusieurs maisons de production manifestèrent leur intérêt, à commencer par Canal Plus, mais souhaitaient disposer de davantage de matière. Ce qu’elles voulaient, c’était en lire la trame complète. Je les ai pris au mot, en me mettant à l’écriture.

Depuis combien de temps votre aventure romanesque a-t-elle débuté ?

Xavier Leloup : Cinq ans environ.

À l’origine, j’avais conçu le projet d’une série télévisée centrée autour du personnage historique français le plus connu au monde : Jeanne d’Arc.

Mon idée était de s’éloigner de l’imaginaire anglo-saxon dans lequel j’avais baigné durant toute ma jeunesse pour raconter une histoire de portée universelle, mais en même temps, fondamentalement française et médiévale.

L’originalité de la saga des Trois Pouvoirs tient au point de vue adopté pour retracer l’épopée du personnage. Ici, l’itinéraire de la Pucelle ne commence pas en 1429, comme c’est habituellement le cas, mais bien des années plus tôt, en 1407, sous le règne du roi « fol » Charles VI.

L’histoire s’inscrit donc dans le temps long, ce qui permet d’en feuilletonner les épisodes et de la décliner sur plusieurs saisons. Cet angle « rétrospectif » présente aussi l’avantage de tenir le spectateur en haleine en faisant apparaître Jeanne d’Arc de manière progressive, au fur et à mesure d’une saga dont elle constitue le fil d’Ariane.

Plusieurs maisons de production manifestèrent leur intérêt, à commencer par Canal Plus, mais souhaitaient disposer de davantage de matière. Ce qu’elles voulaient, c’était en lire la trame complète. Je les ai pris au mot, en me mettant à l’écriture.

À la manière d’un Alexandre Dumas avec les Trois Mousquetaires, je me suis appliqué à entremêler vérité historique – 90% des propos tenus par Jeanne d’Arc dans le livre sont authentiques – et fiction romanesque.

En quoi le roman historique raconte le passé autant qu’il explique le présent ?

Xavier Leloup : Amour et haine, courage, ambition, rivalité… Les passions humaines n’ont pas d’époques. Jeanne d’Arc eut ses partisans et ses détracteurs de son vivant comme elle les a encore aujourd’hui.

Lire un roman historique, c’est donc se retrouver soi-même tout en se plongeant dans un passé parfois lointain. C’est aussi toucher du doigt la permanence de la condition humaine, ce lien indéfectible qui nous relie à ces innombrables générations qui nous ont précédés.

J’ajouterais enfin que le roman historique, en se concentrant davantage sur la psychologie des personnages que sur l’étude scientifique d’une période ou d’un règne, permet d’élargir le public traditionnel de l’histoire. Un bon exemple est Walter Scott, le « père » du roman historique dont je viens de rééditer deux classiques. Avec Ivanhoé, il remit au goût du jour la glorieuse époque des tournois de chevalerie et des croisades. Avec Quentin Durward, il fit renaître l’intérêt de ses contemporains pour Louis XI, ce roi français machiavélique mais si spirituel et, finalement, si attachant.

Le livre laisse ouverte la question de savoir si Jeanne d’Arc est réellement inspirée par Dieu. Ce sera donc au lecteur de se faire sa propre idée

Au bout du 4eme tome, votre héros croise (enfin) le personnage légendaire de Jeanne d’Arc. Les passionnés de cette héroïne internationalement connue la verront-ils sous un autre jour ?

Xavier Leloup : Absolument ! Du moins, c’est mon ambition. Malgré la somme de livres déjà écrits sur Jeanne d’Arc, le roman les surprendra en ce qu’il la met en scène de manière totalement inédite.

La première originalité tient au caractère immersif du récit. Ici, nul besoin de jeux vidéo ou de reconstitution en 3D. Vous entrez dès les premières pages dans la France de 1429. L’envoyée de Dieu se concentre sur les deux premiers mois de l’épopée johannique, qui voit la Pucelle reconnaître le roi Charles VII, déguisé en simple courtisan au château de Chinon, puis aller libérer la ville d’Orléans. Le livre prend donc le temps de détailler des épisodes qui, le plus souvent, sont racontées de manière assez rapide.

À la manière d’un Alexandre Dumas avec Les Trois Mousquetaires, je me suis appliqué à entremêler vérité historique – 90% des propos tenus par Jeanne d’Arc dans le livre sont authentiques – et fiction romanesque. Les personnages habituels de la saga (Yolande d’Aragon, Guillaume de Gaucourt et le roi des Tartas) n’ont pas disparu, mais vont coexister avec Jeanne d’Arc, le Bâtard d’Orléans ou Charles VII de la même manière que, dans Les Trois Mousquetaires, D’Artagnan, Athos, Portos et Aramis pouvaient co-exister avec Richelieu, Anne d’Autriche ou Louis XIII. En poussant le raisonnement, je dirais qu’à la libération d’Orléans mise en scène dans L’envoyée de Dieu correspond le siège de La Rochelle dans l’œuvre de Dumas. Dans les deux cas, la logique est la même : au-delà de la stricte vérité historique, restituer le souffle et l’esprit d’une époque.

Un véritable voyage à travers la Touraine.

Sainte-Catherine-de-Fierbois, Chinon, Blois, Tours, Loches… ce roman constitue également un véritable voyage à travers la Touraine. Les Tourangeaux auront ainsi le plaisir de (re)découvrir combien leur région a pu compter dans l’épopée de Jeanne d’Arc, et partant, dans l’histoire de France.

L’autre originalité tient enfin aux changements de tons, qui voit le livre alterner entre les intrigues de cour, les scènes de bataille ou l’intimité de rencontres amoureuses avec d’autres moments beaucoup plus cocasses, voire franchement comiques. Ainsi de la fameuse partie jeu de paume, l’ancêtre du tennis, que j’ai imaginée se déroulant dans la cour du château de Chinon, et du fameux souper que partageront un certain prisonnier et son geôlier dans la tour du Coudray… mais n’en dévoilons pas ici davantage.

Ce qu’il convient de retenir, c’est qu’il y en a pour tous les goûts et tous les âges, et qu’on pourra se passionner pour ce récit de la même manière, qu’on ait 15 ou 77 ans. Le livre est grand public.
Un dernier mot, enfin, sur le titre : Le livre laisse ouverte la question de savoir si Jeanne d’Arc est réellement inspirée par Dieu. Ce sera donc au lecteur de se faire sa propre idée.

Y aura-t-il un cinquième tome ?

Xavier Leloup : Bien sûr. Je ne l’ai pas encore commencé, mais je peux déjà vous annoncer que son histoire ira de la fameuse victoire de Patay à la fin tragique de la Pucelle sur le bûcher d’Orléans. Avec, entre ces deux événements, de nombreuses surprises et retournements de situations…

Avez-vous déjà imaginé, après la nouvelle adaptation des Trois Mousquetaires au cinéma que votre saga puisse être portée à l’écran ? Si oui, quels acteurs et actrices verriez-vous pour incarner les personnages principaux de vos romans ?

Xavier Leloup : Je l’ai d’autant mieux imaginé que, comme indiqué plus tôt, la saga des Trois Pouvoirs a eu dès l’origine vocation à être porté à l’écran.

Eva Green ferait à mon avis une très bonne Yolande d’Aragon, la duchesse d’Anjou, et Hugo Becker – la révélation de Vaincre ou mourir et vu dans le film de SF Le Dernier Voyage – un excellent Guillaume de Gaucourt, le prévôt de Paris qui se met à son service. Il y a aussi le roi des Tartas, l’empereur des brigands, l’équivalent du Jack Sparrow de Pirates des Caraïbes. Ce personnage truculent, Romain Duris pourrait sans doute l’incarner. Quant au duc de Bourgogne Jean Sans Peur, le méchant des trois premiers tomes, j’ai toujours eu en tête Mads Mikkelsen, le fameux « chiffre » de Casino royal et à l’affiche du dernier Indiana Jones.

Reste le fameux personnage de Jeanne d’Arc. Pour la Pucelle, il faudrait une actrice dotée de la détermination d’une Keira Knightley mais en un peu plus jeune, et au regard encore plus pur, française de surcroît. Cette perle rare reste à trouver.

Vous vous partagez entre les États-Unis et la France. Vos romans seront-ils publiés en langue anglaise ?

Xavier Leloup : Oui. Et ce, probablement dès l’année prochaine.

Nombreux sont les Américains à se passionner pour l’histoire de France, et en particulier son histoire médiévale avec ses châteaux, ses chevaliers et ses églises gothiques.

Les Américains aiment-ils autant l’Histoire que les Français ?

Xavier Leloup : Nombreux sont Américains à se passionner pour l’histoire de France, et en particulier son histoire médiévale avec ses châteaux, ses chevaliers et ses églises gothiques. À tel point que Marc Twain, le célèbre auteur des aventures de Tom Sawyer, a passé plus de dix années de sa vie à la rédaction d’un livre sur la Pucelle, Le roman de Jeanne d’Arc. S’y ajoutent les nombreux films que lui ont consacrés Hollywood, dont le célèbre Jeanne d’Arc de Victor Fleming, avec Ingrid Bergman.

Ce que les Français oublient parfois, c’est que Jeanne d’Arc constitue une icône mondiale. Sa notoriété dépasse de loin celle d’un général de Gaulle, Louis XIV, ou même de Napoléon. La Pucelle est un personnage universel qui parle à toutes les cultures et témoigne de ce que la bravoure et le courage ne choisissent ni leur époque, ni leur âge, ni encore moins leur sexe. Cette héroïne représente la France en ce qu’elle a de meilleur.

Les Trois Pouvoirs – L’envoyée de Dieu, édition La Ravinière. Disponible le 1er juin.

Texte : Benoit Piraudeau

Vous aussi, commentez cet article
Choisir un avatar :
Pour des raisons de confidentialité, évitez de saisir un pseudonyme permettant de vous identifier.
Ex. : votrenom@domaine.fr (ne sera pas affiché sur le site)

Ce contenu vous a-t-il été utile ?